Actualité: Venir à Londres en ne sachant pas un mot d’anglais

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Interview avec quelqu'un qui ne savait pas un mot d'anglais

Interview avec Maria Isabel Fernándes, résidente espagnole au Royaume-Uni.

Le dur visage de la vie a fait que de nombreux Espagnols ont quitté leur vie pour repartir quelque part dans le monde, là où les opportunités existent encore.

Le Royaume-Uni est l’une des principales destinations pour les immigrants, et aujourd’hui ils voyagent à Londres, où beaucoup d’entre eux font leur vie. Parmi cette foule d’hommes ou de femmes courageux, nous avons rencontré une combattante que nous abordons en profondeur à travers une interview.

Dans la plupart des cas, ceux qui osent franchir le pas répondent à un profil très spécifique, généralement inférieur à 30 ans, dont beaucoup possèdent un diplôme universitaire et au moins une base d’anglais pour se faire comprendre et entreprendre son expérience.

Ce n’est pas le cas de Maria Isabel, notre interviewée, qui est venue vivre à Londres à l’âge de 49 ans sans connaître l’anglais (enfin, elle connaissait quelques mots de chansons qu’elle aimait bien), on lui avait dit que c’était un pays froid, et qu’ici, les gens travaillaient et gagnaient de l’argent. Bientôt la réalité se présenta devant elle et, deux ans plus tard, elle nous raconte tout  excitée et très heureuse la décision qu’elle avait du prendre.

Je suis monté dans cet avion en sachant que j’irais là-bas pour longtemps, je devait me battre et je me suis battu, et me voilà encore ici

Après de nombreuses années dédiées au monde des affaires en Espagne, chargée des affaires administratives et comptables dans une entreprise de l’immobilier et, plus tard, en charge d’une cafétéria, Maria Isabel sentait que sa terre bien-aimée, sa Galice n’était plus l’endroit qui la rendait heureuse. A ce moment, elle décida de faire ce saut géant qui l’amènerait à tout recommencer à Londres, cette terre si lointaine pour elle à ce moment-là.

“Ma fille vivait à Londres quand je suis arrivée, mais elle a rapidement déménagé dans une autre ville et je me suis vu seule ici, combattant depuis le début. Le début a été très durs, des débuts très durs, en plus mon autre fils fut envoyé pour une mission spéciales de l’armée espagnole en République centrafricaine, où il y avait une guerre civile… tout était devenu plus difficile. Je n’avais rien à perdre, je sentais que je quittais un pays où les femmes comme moi, à cet âge, ne sont plus les bienvenues au travail. Je suis monté dans cet avion en sachant que j’irais là-bas pour longtemps, que je ne reviendrais pas ici bientôt et avec le cœur rétréci, je devait me battre et je me suis battu, et me voilà encore ici.”

Il n’y a rien à perdre et ici (à Londres) les opportunités existent, mais il faut les chercher, les travailler, il faut y être

Maria Isabel a voyagé toute seule en laissant derrière elle sa famille, ses amis et une belle maison, mais avec le courage dont on a besoin dans cette vie, convaincue que nous devons changer ce qui ne nous fait pas du bien, bref, dès le début elle mis tout de sa part pour s’adapter à la nouvelle situation.

“J’avais consulté des sites web d’aide pour tous ceux qui viennent ici sans vraiment trop savoir, et en cherchant je suis tombé sur TrucsLondres.com et grâce à eux, j’ai reçu cette aide qui m’orienta il y a 3 ans. J’ai donc commencé à chercher du travail en agence et j’ai fait toutes les démarches (niveau papier) pour commencer à travailler. J’avais acheté une guitare acoustique et j’ai commencé à chanter pour moi en anglais, un pas de plus pour apprendre la langue. Pour vous être honnête, je n’ai vraiment suivi qu’un cours d’anglais pendant un mois et quelques jours en plus, le reste du temps j’apprenais par moi-même, autodidacte, j’ai acheté des livres, avec des audio, et j’essayait de discuter beaucoup avec les gens. Je sortais et j’entamais des conversations, ou du moins j’essayais », nous dit-elle en riant.

Maintenant, elle se souvient de tout ça avec excitation à propos de ses progrès. Elle reconnaît qu’elle a crié d’impuissance du fait de ne pas pouvoir s’exprimer, qu’elle s’est senti incapable avec le langage, impuissante de ne rien comprendre. “Bien qu’il y ait beaucoup d’Espagnols ici, la réalité est qu’il n’y a pas beaucoup d’habitants anglophones ou anglais qui connaissent notre langue, c’était dur”, dit-elle. Malgré les difficultés, elle a trouvé un emploi en tant que femme de ménage et depuis, elle travaille. “J’ai encore besoin de plus pour, être une en plus, savoir comment le lire, l’écrire, je dois m’améliorer et essayer d’obtenir un meilleur travail”.

Parfois je vois des jeunes qui semblent très endormis, sans désir, sans énergie. Dans la vie, il faut sauter, il faut prendre des risques

Son expérience est pleine d’anecdotes, dès le début. Maintenant Maria Isabel en rit quand elle raconte comment elle avait pris le mauvais bus depuis l’aéroport à son arrivée, son absence d’esprit dans le métro, ou en essayant de monter au taxi par le siège du conducteur, rien que nous n’ayons pas vécu les diplômés de trente ans, j’ai commenté à Mª Isabel avec des rires.

Mais face à toutes ces difficultés, son esprit de combat pour les surmonter a toujours été avec elle, jeter l’éponge n’était pas une option et ce voyage l’a fait grandir en tant que personne et d’une manière dont elle ne penser jamais le faire. “Voyager vous change, si vous ne voyagez pas  vous ne vous connaissez pas, vous n’êtes personne, vous n’êtes pas complet et quand vous le découvrez, malgré les obstacles, le sentiment de liberté, de pouvoir, est incroyable. Vous devez sauter, vous devez prendre des risques, je le dis toujours aux jeunes, j’aime leur donner des conseils. Parfois je vois des jeunes qui semblent très endormis, sans désir, sans énergie, j’ai l’impression de devoir les pousser “.

[Su_quote] “Voyager vous change, si vous ne voyagez pas  vous ne vous connaissez pas, vous n’êtes personne, vous n’êtes pas complet et quand vous le découvrez, malgré les obstacles, le sentiment de liberté, de pouvoir, est incroyable” [/su_quote]

Interview et fait réelSa vitalité contagieuse fait d’elle une femme plus forte chaque jour, pleine de projets. Lorsqu’on l’interroge sur son avenir au Royaume-Uni, elle nous répond très convaincue qu’elle a encore beaucoup à faire ici, qu’elle ne quittera pas facilement un pays qui lui a donné l’occasion de travailler, de se sentir à nouveau complète, jeune et vivante. “Mon plan? Apprendre la langue parfaitement, ouvrir ma propre entreprise. Je ne sais pas ce qui va se passer, mais il y a quelque chose de clair pour moi, je ne veux plus perdre le contact avec Londres. J’aspire à vivre et travailler, et ici, je peux le réaliser, retourner en Espagne maintenant serait comme retourner 40 ans dans le passé”.

Chagriner les amis, le fils qui est le plus éloigné, ou ces petits moments entre amis et le “pinard” chez le caviste sont inévitables, surtout dans une ville où les gens sont assez indépendants, “tout le monde fait ce qu’il veut”, dit-elle. Mais la chose la plus importante pour Maria Isabel est ce qu’elle ressent maintenant, vivre cette nouvelle expérience qui n’a rien à voir avec sa vie antérieure. Ce ne sont pas les années, dit-elle, c’est ce que vous ressentez, si vous avez la paix, vous avez tout.

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Après deux ans et demi de vie à Londres, Mª Isabel a appris à profiter de la ville, marcher dans les ruelles, celles que nous connaissons tous et tomber amoureuse de cette “bruyante” ville froide, aller à la bibliothèque, traverser les canaux, profiter de la bonne musique, d’œuvres de bienfaisance, d’églises ou contempler la beauté de certains de ses cimetières, sont quelques-unes des choses que notre interviewé aime. Sur le point de s’acheter une moto pour se déplacer avec plus de liberté, sentiment qui revient souvent et qui a sans aucun doute aidé à changer sa vie.

La clé et le conseil de Maria Isabel pour tous ceux qui ne se décident pas à faire le premier pas, ou pour ceux qui viennent d’arriver et qui font face aux difficultés, réside dans la prouesse d’être courageux, de vivre le moment. “C’est risqué, ce n’est pas facile, surtout pour ceux qui n’ont rien et en plus à cet âge, mais malgré tout, je dois les encourager à essayer. Ils n’ont a rien à perdre et les opportunités existent ici, mais il faut les chercher, les travailler, il faut y être”.

Toute l’équipe de TrucsLondres et la mienne en particulier se joignent pour applaudir cette combattante, qui ne se permet pas le luxe d’être fatiguée, de se souvenir que les circonstances sont dures, elle ne fait que suivre. Merci de partager avec nous et nos lecteurs votre expérience et votre énergie. Bonne chance et à la prochaine!

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1513774_10204972837502892_4153195622425860388_nRédaction originale: Cris de la Torre / @CRISDLTC

Journaliste diplômée, communicatrice professionnelle, graphiste créative, responsable médias sociaux et étudiante de toutes sortes. Passion: apprendre, connaître, savoir, sentir, goûter, toucher, regarder, écouter et contribuer. Bien qu’admirante de mots, femme de faits.

 

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